Civ III, 15 mars 2000, Bull n° 54, N° 98-11-855 N° 98-13-028
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Joint les
pourvois n- 98-1 1.855 et 98-13.028 ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 98-13.028 : i
Attendu, selon
l'arrêt attaqué (Versailles, 7 novembre 1997), que la compagnie Assurances
générales de France (les AGF) a donné à bail à la société Markdis, le 22
janvier 1987, des locaux à usage professionnel pour une durée de trois ans, à
compter du 1 - avril 1987 ; que les AGF ont délivré congé à la société
Markdis le 20 septembre 1989, pour le 31 mars 1990 et lui ont proposé un
nouveau contrat de location avec un loyer majoré ; que la société Markdis,
qui n'a pas accepté cette proposition, est demeurée dans les lieux et a
formulé, le 19 avril 1991, une contre-proposition sur le montant du
loyer ; que les AGF ont assigné le 9 février 1993 la société Markdis pour
faire fixer le loyer du bail renouvelé pour six ans, à compter du 1°, avril
1990 ;
Attendu que les AGF font grief
à l'arrêt de dire que le bail, expiré le 31 mars 1990, a été poursuivi par un
bail verbal exécuté par les deux parties jusqu'au départ des lieux de la
société Markdis, le 31 décembre 1994, alors, selon le moyen, 1° que l'existence
d'un bail verbal suppose, comme tout contrat, un accord des parties sur la
chose et sua le prix ; qu'en retenant l'existence d'un bail verbal
unissant les AGF et la société Markdis, après expiration d'un précédent bail
tout en relevant que le congé avait été délivré- par les AGF et que la
proposition du nouveau loyer n'avait pas été acceptée par la société Markdis,
la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres
constatations en violation de l'article 1714 du Code civil ; 2° que l'article
1716 du Code civil, qui prévoit les conditions dans lesquelles une contestation
sur le prix du bail verbal peut être résolue, n'a nullement pour effet de régir
les conditions de formation d'un tel contrat ; qu'en relevant que ce texte
autorisait la formation d'un bail verbal en cas de désaccord sur le prix du
loyer, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1716 du Code
civil ; 3° qu'en déduisant une attitude sans équivoque des AGF et leur
volonté certaine de poursuivre les relations contractuelles avec la société
Markdis du seul fait qu'elles n'avaient pas mis en demeure la société Markdis,
qui se maintenait dans les lieux, de signer un nouveau bail et n'avaient engagé
une action en justice que près de trois ans après la fin du bail écrit,
demandant au Tribunal la fixation du prix du loyer sans répondre aux
conclusions des AGF signifiées le 7 octobre 1996 indiquant qu'il n'y avait pas
d'accord des parties sur le prix, que la durée de trois ans invoquée par la
société Markdis résultait uniquement de la durée de la procédure et d'une
difficulté sur la compétence et qu'enfin le prix proposé par les AGF n'avait
pas été accepté par la société Markdis qui avait fait une contre-proposition,
éléments écartant. l'existence d'un bail verbal, la cour d'appel a violé
l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4° que la délivrance
d'un congé, qui doit produire immédiatement ses effets lorsqu'il n'est pas
contesté, témoigne sans équivoque de la volonté de la partie qui le délivre de
mettre un terme aux relations contractuelles ; que la tolérance de la
présence du locataire dans les lieux, ne peut donc caractériser une
manifestation sans équivoque de la volonté du propriétaire de poursuivre des
relations contractuelles ; que pour en avoir décidé autrement, la cour
d'appel a violé les articles 1714 et suivants et 1134 du Code civil ;
Mais attendu
qu'ayant relevé que lorsqu'elles avaient engagé une action en justice, près de
trois ans après la. fin du bail écrit, les AGF n'avaient pas sollicité la
constatation de l'expiration du bail et le prononcé de l'expulsion de l'occupante
sans droit ni titre, mais la fixation du montant du loyer et souverainement
retenu que cette attitude démontrait la volonté certaine des AGF de poursuivre
ses relations contractuelles avec la société Markdis, laquelle avait manifesté
la même volonté en payant régulièrement le loyer sur la base de l'ancien prix,
la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses
constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire, sans se fonder sur les
dispositions de l'article 1716 du Code civil, que le bail expiré le 31 mars
1990, s'était poursuivi par un bail verbal ;
D'où il suit que
le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le
second moyen du pourvoi n° 98-13.028 et sur le moyen unique du pourvoi n°
98-11.855, réunis
Vu l'article
1.716 du Code civil ;
Attendu que,
lorsqu'il y aura contestation sur le prix du bail verbal dont l'exécution a
commencé et qu'il n'existerai point de quittance, le propriétaire en sera cru
sur son serment, si mieux n'aime le locataire demander l'estimation par
experts ;
Attendu que pour
fixer le prix du bail verbal dû par la société Markdis, l'arrêt retient que
l'article 1716 du Code civil n'étant pas d'ordre public, le juge conserve la
faculté de fixer le prix, selon les circonstances, en fonction d'autres
éléments, et principalement en se référant aux manifestations de volonté des
parties ;
Qu'en statuant
ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE,
mais seulement en ce qu'il a fixé le prix du bail verbal à 248 000 francs par
an, payable par trimestre, à terme échu, entre le la avril 1990 et le 31 mars
1991 et 270 000 francs au-delà, avec indexation sur l'indice trimestriel du
coût de la construction, la première indexation devant intervenir au 1 avril
1991, l'arrêt rendu le 7 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel
de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties
dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit,
les renvoie devant la cour d'appel de Paris.